Faut-il tutoyer ou vouvoyer ses collègues, ses clients et ses partenaires ? Derrière cette question apparemment anodine se cachent des choix de positionnement, de culture d’entreprise, et parfois même de stratégie.
Ne vous est-il jamais arrivé, en tant que dirigeant, de vous retrouver entouré de plusieurs personnes, certaines que vous tutoyez, d'autres que vous vouvoyez… sans trop savoir quelle posture adopter dans l’instant ?
Ce flou relationnel, nous l’avons tous vécu. Et pourtant, la manière dont on s’adresse aux autres dit beaucoup de notre culture d’entreprise, de notre rapport au pouvoir, et de notre volonté (ou non) de créer des liens authentiques.
Dans les pays anglophones, la question semble réglée d’avance : le “you” s’adresse aussi bien à un stagiaire qu’à un CEO. Cette neutralité linguistique gomme la distinction formelle/informelle… mais pas forcément la hiérarchie ou la proximité.
La communication est alors codée autrement : par le ton, les formulations, les niveaux de langage ou de détail, et non par un pronom. Une apparente simplicité… mais des subtilités bien réelles !
Chez Ectos, nous avons fait le choix du tutoiement. Non pas par effet de mode ou par désinvolture, mais parce que cela correspond à la proximité que nous cultivons avec nos clients et partenaires. Mais attention : ce choix n’est jamais imposé. Il s’adapte, comme tout bon service, au contexte et aux préférences de chacun.
Deux cultures, deux logiques… et une Suisse entre les deux
- Le vouvoiement : traditionnel, respectueux, sécurisant. Il crée une forme de distance professionnelle, parfois nécessaire, notamment dans des environnements formels (juridique, finance, institutions…).
- Le tutoiement : direct, chaleureux, fluide. Il favorise la collaboration, la réactivité, l’alignement d’équipe. Il est souvent adopté dans les startups, les environnements créatifs ou les relations de proximité.
Et en Suisse ? Les usages varient fortement selon les secteurs, les langues… et même les cantons !
- Le français reste attaché au vouvoiement formel, surtout dans les contextes institutionnels ou intergénérationnels.
- Le suisse allemand ou l’usage de l’anglais professionnel favorisent souvent le tutoiement plus direct.
- Dans les PME romandes, un tutoiement rapide est courant, surtout quand les équipes sont réduites, agiles, ou que les collaborateurs évoluent ensemble sur le long terme.
Ce mélange de codes fait de la Suisse un terrain d’équilibre délicat, où chacun doit s’adapter à son environnement sans perdre de vue la clarté relationnelle.
Les pièges à éviter
- Le tutoiement forcé : “On se tutoie hein ?” lancé trop vite peut mettre mal à l’aise.
- Le vouvoiement rigide : qui instaure une distance inutile, voire une méfiance.
- Le manque de cohérence : tutoyer un collègue et vouvoyer un autre sans logique claire peut brouiller la culture d’entreprise.
Quand la direction propose de passer au “tu”
Il arrive que ce soit un dirigeant ou un manager qui propose à ses équipes de passer du “vous” au “tu”, dans un souci de simplification des relations ou pour insuffler une culture plus collaborative. Ce choix peut être bien perçu s’il est authentique et assumé, mais il doit être manié avec tact.
Quelques points d’attention :
- Si la hiérarchie reste rigide malgré le tutoiement, cela peut sonner faux.
- Si certains collaborateurs ne sont pas à l’aise, cela peut créer une pression implicite.
- Sans cohérence dans les actes, cela peut rester un geste symbolique sans impact réel.
Le tutoiement ne crée pas la confiance à lui seul, mais il peut l’accompagner, l’encourager, la refléter.
Le cas particulier des apprentis : attention à l’ambiguïté
Les apprentis occupent une position unique en entreprise : ni tout à fait élèves, ni encore professionnels aguerris. Le passage du « vous » au « tu » avec eux soulève des questions délicates, car la manière de s’adresser à un·e apprenti·e influence sa perception des codes, des hiérarchies et des attentes.
Le tutoiement peut être perçu comme :
- Une marque de confiance et d’intégration,
- Un levier de motivation : “Je suis considéré comme un membre à part entière de l’équipe.”
- Un signe de proximité encourageante, surtout dans les environnements jeunes ou dynamiques.
Mais il peut aussi :
- Créer de la confusion : si un apprenti est tutoyé par un manager, mais voit d’autres collaborateurs être vouvoyés, il peut mal interpréter son statut,
- Effacer les repères professionnels : difficile parfois de faire la distinction entre le copain de l’atelier et le formateur référent,
- Entraver l’autorité naturelle de l’encadrant en cas de recadrage nécessaire.
Quelques bonnes pratiques pour éviter les malentendus
- Poser le cadre dès l’accueil
- Uniformiser les pratiques dans l’équipe
- Former les encadrants à la posture pédagogique
- Adapter selon la maturité de l’apprenti·e
- Réajuster si nécessaire, sans hésitation
Comment bien gérer le passage du “vous” au “tu” ?
Passer du vouvoiement au tutoiement est un geste symbolique : il marque un changement de posture relationnelle. Voici quelques conseils pour bien vivre ce tournant :
- Respecter le bon moment: Attendre que la confiance soit installée, surtout si la relation est récente ou hiérarchique.
- Faire une vraie proposition: “On peut se tutoyer, si tu veux ?” laisse le choix à l’autre et crée un climat de respect.
- Connaître les codes du secteur: On ne tutoie pas toujours de la même manière dans la tech que dans l’horlogerie ou le secteur public.
- Rester professionnel: Le tutoiement ne justifie ni familiarité excessive, ni relâchement.
- Clarifier si besoin: “Chez nous, on tutoie facilement, mais on reste exigeants” : une simple phrase qui pose un cadre clair.
Et si toute l’entreprise passe au tutoiement ?
Certaines entreprises choisissent de généraliser le tutoiement comme marqueur de leur culture interne. Dans ce cas, mieux vaut préparer la transition collectivement, en douceur :
- En parler ouvertement
- Donner du sens au changement
- Laisser une marge de liberté
- Former les managers à l’exemplarité (voir nos formations en communication et en leadership)
- Communiquer avec humour et bienveillance
Que faire si le tutoiement dérape ?
Même bien intentionné, le tutoiement peut parfois générer des débordements : une familiarité excessive, une perte de repères hiérarchiques, des tensions entre collègues ou un manque de professionnalisme dans les échanges.
Quelques pistes pour recadrer avec finesse :
- Intervenir rapidement, dès les premiers signaux
- Adopter un ton calme et factuel : “On garde le tutoiement, mais on ajuste le ton.”
- Réaffirmer les rôles et les attentes
- Soutenir les personnes mal à l’aise
- Assumer un retour temporaire au vouvoiement, si cela sert l’équilibre de la relation
Clarté, constance et respect sont les meilleurs alliés pour maintenir un tutoiement sain.
Chez ectos, on tutoie… mais intelligemment
Notre choix du tutoiement repose sur une conviction : les meilleures collaborations se construisent sur la confiance. Le tutoiement facilite les échanges, mais il ne remplace jamais le respect, l’écoute et la rigueur. Nous restons à l’écoute de chacun, car pour nous, la bonne distance est celle que vous choisissez.